20 août
2006
Son règlement est simple
: il faut parcourir la plus longue distance entre le lever et le
coucher du soleil. La coupe Pommery a suscité bien des convoitises. Condamnée par les progrès
techniques des avions, la tricherie
de Maurice Guillaux a accéléré sa disparition.
Maurice Guillaux
L’aviation n’a pas décollé en France par la seule force des ingénieurs et de ses pilotes.
Plusieurs mécènes ont su mettre
de l’essence dans son réservoir : Ernest Archdeacon, Lazare
Weiler, Henry Deutsch de La Meurthe,
les frères Michelin ainsi qu’un
grand nom du champagne, la maison Pommery.
En créant
la coupe qui porte son nom,
Pommery a lancé les pilotes
à l’assaut des records. Le règlement
de la coupe est simple. Il s’agit de couvrir
la plus longue distance possible entre le lever et le coucher du soleil, en ligne droite. Deux primes de 15.000 F sont
distribuées deux fois par an. La première récompense
le vainqueur au 30 avril,
la seconde le vainqueur au 31 octobre.
Pendant trois
années pleines (1911 à
1913), la coupe Pommery
a permis aux pilotes
– des Français essentiellement
– de faire avancer l’aviation.
La progression a été si rapide que
l’épreuve a vite atteint ses limites,
le coup de grâce étant donné par une tricherie
qui lui ôtera tout crédit. La dernière édition, en 1914, a tourné
court. La guerre s’est chargée
d’en effacer les dernières
traces.
1911 voit
le double succès de Jules Védrines
qui prépare la course qu’il
gagnera :
Paris – Madrid. Il réussit d’abord Paris – Poitiers lors de
la première prime. Puis Paris – Angoulême lors
de la première étape de Paris – Madrid. Roland
Garros aurait pu prétendre
à la victoire car il avait fait le même parcours avant Védrines, toujours lors de Paris – Madrid. Mais Roland
Garros n’était pas engagé dans la coupe Pommery…
L’histoire s’accélère
en 1912. Premier en piste, Maurice Tabuteau. « Paris-Pau et Pau-Paris
sont devenus des parcours classiques de l’aviation naissante, mais, ni dans
un sens ni dans l’autre le parcours n’a été effectué
en une seule journée, raconte-t-il dans sa
correspondance publiée par
son petit-fils Denys (1). Depuis
deux mois, je suis resté
en contact avec la météorologie nationale
et M. Coutereau, son prévisionniste
précurseur. Je lui demande de m’avertir la veille du jour où s’établira un bon vent du sud-ouest dans les 40 à 50 km/h.
»
Les parcours de la coupe Pommery
L’idée de Maurice Tabuteau est simple, évidente aujourd’hui : il ira
plus vite avec le vent dans
le dos. Le 11 mars 1912, le Parisien relie Pau à Paris en cinq heures de vol effectif avec un Morane à moteur Gnome 50 ch. Il fait escale à Poitiers
pour le faire le plein. Il est arrivé trop
tôt, personne n’est là pour l’attendre.
« Je repars par beau temps et moins
de vent ; mon voyage à bonne altitude est sans histoire mais peu avant
la Loire, mon Gnome perd un
de ses cylindres. Sûrement une bougie
encrassée
! Mais je ne connais pas de terrain où l’on puisse
me dépanner avant Étampes. » Son passage ne passera pas inaperçu, notamment à Amboise.
Guillaume Busson à Tours
Presque dans
la foulée suit Guillaume Busson,
le 18 mars 1912. « Ce matin
à la première heure se répandait
en ville que l’aviateur Busson, concourant pour la
coupe Pommery, allait descendre
à Tours, venant de Pau. Peu
après nous recevions le télégramme
nous confirmant le départ
de l’aviateur qui avait pris l’air à 5 heures 40 par temps calme, rapporte La Dépêche. Grâce à l’obligeance de MM. Rolland et Pilain, les propriétaires de la marque d’automobiles si appréciées aujourd’hui,
nous nous transportions aussitôt avenue de Grammont. Dans la grande prairie qui s’étend en face de l’ancienne usine Le Sourd, l’appareil devait venir atterrir.
Et l’attente commença,
les pronostics les plus audacieux
ne prévoyaient pas l’arrivée
avant 10 h 30 au plus tôt. Mais l’heure passa,
les sportsmen de plus en plus nombreux affluaient à Grammont où, sans nouvelles, on piétinait dans l’attente. Enfin, vers midi, on annonça
qu’une dépêche de Poitiers déclarait
que l’aviateur n’aurait pas été signalé. On en conclut que Busson était
descendu en rase campagne, par suite de panne, et on reprit la route de Tours. Mais alors que
tout le monde partait, on entendit le ronflement d’un moteur et l’on
vit un grand oiseau qui approchait. C’était Busson qui arrivait.
« A midi 10 exactement, il atterrissait sans incident à 300 mètres
du pont du Sanitas où il était
chronométré. L’aviateur
malgré des ondées successives et copieuses,
était très frais et paraissait de bonne humeur. A 1 heure nous le retrouvions au guichet du télégraphe, rue de Clocheville d’où il expédiait
une série de dépêches. Il nous raconta que depuis
son départ de Pau, il n’avait pas été favorisé par le temps.
Je suis néanmoins satisfait, nous déclara-t-il, car je me suis adjugé la coupe Pommery en arrivant
à Châtellerault. Cette
coupe était détenue par Védrines.
– Comptez-vous
repartir bientôt pour Paris ?
– Je vais d’abord me reposer puis si le ciel
se remet au beau, je repartirai
peut-être.
« Et, tout souriant, il quitta
le bureau du télégraphe. Guillaume
Busson repartira aussitôt vers Paris. »
Les tentatives
les plus sérieuses ont lieu
le dernier jour. Le 30 avril,
René Bedel quitte Villacoublay, sur le même type d’appareil que Tabuteau, un Morane 50 ch. A 6 h 20, il se pose sur le terrain
de manœuvres de Larçay
après, comme il l’indiquera, avoir « beaucoup souffert du froid et affronté une bourrasque
de neige. » Bedel atteint Biarritz soit
750 kilomètres. « Pendant le
voyage, il a dû voler à une hauteur de plus de
1.000 mètres. Il a eu froid et a rencontré
de la neige entre Tours et Angoulême
», notent les journaux tourangeaux. C’est ce mauvais
temps qui le pousse à ne pas continuer vers l’Espagne.
Pierre Daucourt, ancien élève de Pontlevoy. (Didier Lecoq)
Le même
jour, la même épreuve voit un autre
pilote traverser la
Touraine, sur un parcours totalement différent. Qui plus est, Maurice Prévost
n’était pas seul. Il est parti
de Nancy en compagnie de M. Besnard,
ancien directeur de l’école d’aviation de Reims. Maurice Prévost pilote un Deperdussin à moteur Gnôme 100 ch. Son premier atterrissage a
lieu à Savigny, près de
Sens. Il en effectue un second à Ligny-le-Ribault, en Sologne, à cause de problèmes avec les bougies. Il atterrit à Tours, dans la prairie située en face l’usine Lesourd, à 10 heures 52. A 14 h 30, il
est aux Sables-d’Olonne. Mais avec 730 kilomètres, il est devancé par Bedel. Ce n’est pas dans cette discipline que Maurice Prévost se fera
un nom. Son royaume est celui de la vitesse.
Le samedi
31 août, Léon Bathiat se pose à Château-Renault, près
du nouvel hôpital. Il vient de Calais. Un atterrissage imprévu provoqué par une panne d’essence.
Il achète également cinq litres d’huile de ricin chez un pharmacien. Son Sommer monoplan en état, il reprend la direction du sud-ouest pour atteindre Contis, dans les Landes : soit 800 kilomètres. Pierre Daucourt faisait mieux le 6 octobre : 852 kilomètres entre
Valenciennes et Biarritz avec des escales à Buc et à Poitiers. Valenciennes – Biarritz, la coupe
commence à se sentir à l’étroit
dans l’Hexagone. Pierre Daucourt n’est
pas inconnu en Touraine. C’est le premier pilote breveté à Pontlevoy – renommé « aérodrome de Touraine » depuis son rachat par un membre de l’Aéro-Club de Touraine, M. Roberthie.
Le coupe de grâce
1913 marque la fin de la coupe
Pommery. Le 26 avril, Louis Janoir, parti de Biarritz, se blesse grièvement en se posant à Sanxay, dans la Vienne. Louis Janoir avait animé
le meeting de Montrésor l’année
précédente. Une cinquième prime marquée par de
beaux raids : Paris – Berlin (900 km) par Pierre Daucourt ; Paris – Medina de Campo, en Espagne,
par Eugène Gilbert (1.050 kilomètres)
dont Paris – Vitoria (800 kilomètres)
sans escale ; et enfin
Biarritz – Kollum (1.253 km) par Maurice Guillaux qui
remporte la prime. Le problème,
c’est qu’avec de telles distances, il
n’y a plus personne pour voir les pilotes atterrir. Les premiers doutes apparaissent.
Sixième et
dernière prime. Elle revient à l’un des grands pilotes d’avant-guerre, Marcel Brindejonc de Moulinais. Celui qui sera surnommé « l’aviateur des capitales » stupéfie le monde avec un raid
Paris – Varsovie (pour la coupe Pommery) qu’il prolonge, atteignant Saint-Pétersbourg puis Stockholm, Copenhague, La Haye et enfin Paris soit 5.000 kilomètres en vingt-deux jours !
Mais revenons à
la coupe Pommery. Fin août, Maurice Guillaux est parti
de Biarritz, direction Bruxelles puis
l’Allemagne. Sur son Clément-Bayard
entièrement métallique, il se pose à Brackel
soit 1386 kilomètres. Quatre de mieux que Brindejonc des Moulinais !
Le Clement-Bayard Métaillique
de Maurice Guillaux. (Didier Lecoq)
Trop c’est trop. Sa performance, réalisée avec un avion ne disposant que d’un moteur Clerget de 50 ch, est remise en question. Une enquête menée
par le père de Bindejonc
des Moulinais l’accuse d’avoir
joué sur le nom de la ville
pour gagner cinquante kilomètres. Il se serait posé à Brockel
et non Brackel. La Ligue nationale aérienne a écrit aux bourgmestres
de ces deux villes qui ont confirmé qu’il s’agissait de Brockel. Du coup, Bindejonc des Moulinais remporte la prime et Maurice
Guillaux est interdit de
coupe Pommery pour dix ans.
Lors de son passage à
Tours en mai 1913, après Biarritz – Kollum, la Dépêche a publié un
article qui fleure bon le faire-part : « Nous sommes heureux d’annoncer que Guillaux, le glorieux vainqueur de la Coupe
Pommery, est un enfant de Touraine. Né à Montoire, il compte
encore de nombreux parents à Tours, Rochecorbon et Vouvray. » Dans son édition
du 11 novembre, en forme d’avis
de décès, Guillaux n’est
plus m^me plus tourangeau…
L’histoire de la coupe Pommery s’arrête là. Il
y a bien une tentative en
1914. Elle n’intéresse plus personne. Depuis qu’Adolphe Pégoud a bouclé la
boucle, l’heure est
à l’acrobatie voire aux
raids sur plusieurs jours. Cinq pilotes
sont inscrits : Marc Bonnier, Pierre Verrier,
Louis Pierron, Geo Chemet
et Maxime Lenoir. Celui-ci,
jeune breveté, fait bien une tentative avec un Blériot dépassé.
Il s’arrête chez lui, à Chargé, à deux pas
d’Amboise, pour une séance de voltige.
Les aviateurs et le public ont
une nouvelle religion : «
looping the loop ».
Didier Lecoq
Aéroplane de Touraine 2004
Les primes
28 mars 1911 : Paris – Poitiers par Jules Védrines (Morane, moteur Gnôme 50 ch), 293 km.
22 mai 1911 : Paris – Angoulême par Jules Védrines (Morane, moteur Gnôme 50 ch), 400 km
30 avril 1912 : Villacoublay – Biarritz par René Bedel
(Morane, moteur Gnôme 80 ch), 750 km.
6 octobre 1912 : Valenciennes –
Biarritz par Pierre Daucourt (Borel,
moteur Gnôme 50 ch), 852 km.
27 avril 1913 : Biarritz – Kollum par Maurice Guillaux (Clément-Bayard,
moteur rotatif Clerget 50 ch), 1229 km.
10 juin 1913 : Villacoublay – Varsovie par
Marcel Brindejonc des Moulinais
(Morane, moteur Gnôme 80 ch), 1382 km.
Pommery cup too much temptation!
August 20, 2006
The rules were simple. You had
to go the longest disance in a straight line. It
attracted huge interest, but technological advances in aircraft and Maurice Guillaux’ accelerated its demise.
Flying in France depended
on partons to put fuel in the tank! They included Ernest Archdeacon, Lazare Weiler, Henry Deutsch de
la Meurthe,
the Michelin
brothers and a
big name Champagne Pommery.
The Pommery Cup was for covering the longest possible distance between sunrise and
sunset in a straight
line. Two prizes of 15 000 F were distributed twice a year – on 30
April and on 31 October.
It lasted three full years
(1911-1913) and encouraged pilots, especially French, to advance aviaton. However this advance has been so rapid that the
competition is outmoded. Cheating spoilt it, and the last occurrence, in 1914,
was cut short. The war removed its last traces..
In 1911 Jules Védrines won twice - Paris – Poitiers, then Paris – Madrid. Roland Garros also had long fligts but
was not a competitor in the cup...
Things hotted up in
1912.Maurice Tabuteau took advantage of tailwinds to fly, on March 11, 1912 from Pau to Paris in five hours of actual flight in a Morane
with a 50 hp Gnome motor, landing at Poitiers for refueling. He was so early
no-one was ready for him.
A week later came Guillaume Busson,
18 March 1912, Pau to Catellerault.
This cup was held by Védrines.
On the last day.for
this competition, April 30, Rene Bedel Villacoublayin a 50 hp Morane.(like Tabuleau’s).
In freezing weaterh he reached Biarritz, 750km. On
the same day Maurice Prevost left
Nancy wtth a passenger, Mr. Besnard, former
director of the Aviation
Reims school, flying a Deperdussin pilot a 100 hp Gnome engine,
but only made 730 km due to spark plug problems.Prevost
is mainly remembered for his speed records.
On Saturday,
August 31, Leon Bathiat took off from Château-Renault,,
and after landing for fuel and castor
oil, reached Contis in les Landes
: soit 800 kilomètres.
Pierre Daucourt won with an 852 km flight between
Valenciennes et Biarritz..
The coup de grace
1913 marks the end of the
Pommery cup. A series of flights culminates when Maurice Guillaux flew from
Biarritz to Kollum, 1253 km, and takes the first
prize for the year on April
26. Bot doubts arise; there is often no-one to verify the exact
landing point.
Marcel Brindejonc
de Moulinais made an amazing flight in two days from Paris to
Stockholm. For the Pommery
Cup he claimed the first day, Paris to Warsaw.
Late in August, Maurice
Guillaux left Biarritz and flew
towards Germany in his Clement-Bayard. He claimed to have landed in Brackel, 1386 km, just ahead of the Paris-Warsaw distance,
but it later emerged that he had landed in Brockel,
some 50 km shorter. The outcome was that Guillaux was stripped of his title and
prohibited frorm participating in the Pommery cup for
ten years.
.
Some more Pommery Cup flights
are made in 1914, but public interest was waning. The public was more
intereste4ed in aerobatics or races held over several days. Airmen and the public have a new religion,
"looping the
loop".
Didier Lecoq
Airplane Touraine 2004
Premiums
March 28, 1911 Paris - Poitiers by Jules Védrines (Morane, 50 hp Gnome engine), 293 km.
May 22, 1911 Paris - Angoulême
by Jules Védrines (Morane, 50 hp Gnome engine), 400 km
April 30, 1912 : Villacoublay - Biarritz by Rene Bedel (Morane,
80 hp
Gnome engine), 750
km.
October 6, 1912 Valenciennes - Biarritz by
Pierre Daucourt (Borel, 50 hp Gnome engine), 852 km.
April 27, 1913 Biarritz - Kollum
by Maurice Guillaux (Clement-Bayard 50 hp Clerget
rotary engine), 1229
km.
June 10, 1913 : Villacoublay - Warsaw Marcel Brindejonc of Moulinais (Morane, 80 hp Gnome engine), 1382 km.